Toute démarche d’évaluation n’est-elle pas subjective en soi ?
L’évaluation externe certificative actuelle est pour moi intéressante mais insuffisante car elle ne fait la part belle qu’aux savoirs et un peu au savoir- faire ; le savoir-être est complètement nié alors que beaucoup d’enfants possèdent en eux des richesses qu’on ne peut pas prendre en compte dans l’évaluation certificative actuelle ! Chez nous le chef-d’oeuvre1 remplit amplement cette fonction et nous ne manquons pas de nous appuyer sur celle-ci lorsqu’un de nos élèves se trouve en difficulté dans l’obtention du CEB 2.
1 http://www.saintjosephboondael.be/contenu/les-chefs-doeuvre
2 Certificat d’Etudes de Base : http://www.enseignement.be/index.php?page=25527
Jean-Marc Buret
Comme je le dis souvent, une évaluation doit avoir quatre vertus essentielles :
- Elle doit être RARE : trop fréquente, l'évaluation tue l'apprentissage.
- Elle doit être PRÉCISE : on n'évalue pas tout en même temps : il faut savoir avec précision ce qu'on évalue. Or, la plupart du temps on évalue autre chose que ce qu'on croit. Par exemple, évaluer le savoir lire en faisant lire à haute voix, cela évalue la "haute voix" et pas du tout la lecture. Evaluer des connaissances en histoire par une interro écrite, cela évalue surtout la capacité à produire un texte argumentatif par lequel on prouve que l'on a ces connaissances. Or, la production d'un tel texte n'a jamais été enseignée : bien des élèves qui sauraient répondre oralement aux questions échouent par ce qu'ils ne savent pas écrire ce qu'ils savent...
- Elle doit être PRÉVUE : on n'évalue ni à l'improviste, ni par surprise. Quand on travaille avec des êtres humains, on doit savoir qu'une évaluation doit être préparée, également par celui qui la subit...
- Elle doit être ... JOYEUSE : il est en effet impossible qu'il n'y ait pas eu un progrès, si minime soit-il. Et ce progrès est source de joie et de confiance. De toute façon, s'il n'y en a pas, c'est que le moment de l'évaluation a été mal choisi (notamment, trop tôt après l'apprentissage)
Eveline Charmeux
Evaluer peut correspondre assez facilement à des procédures objectives : un cadre précis et explicite, des supports concrets et univoques, des critères mesurables, …
Le problème vient plutôt du fait que les dispositifs les plus rationnels ne fournissent pas systématiquement des informations fidèles à ce qui a été appris. Par exemple, une évaluation critériée de la résolution d’un problème mathématique n’échappe pas aux biais induits par l’état émotionnel dans lequel se trouvent les élèves soumis à cette évaluation.
Puisqu’apprendre ne peut être qu’une action mentale singulière et que rien ne permet réellement d’accéder à ce qui, au niveau du cerveau, conduit à cet apprentissage, on ne peut au mieux qu’essayer d’évaluer, c’est-à-dire mettre à disposition des informations de mesure, valables pour les outils d’évaluations employés, sans trop de certitude que le produit obtenu soit le même avec d’autres outils.
Dans cette logique, un évaluateur peut être comparé à un médecin qui s’intéresse à la maladie de son patient, la jauge à partir d’un certain nombre d’indicateurs (la température, le pouls, les symptômes, …) afin de poser un diagnostic, le plus sûr possible, mais sans ne pouvoir réellement en attester la certitude. On ne pourrait donc jamais évaluer une compétence, seulement en mesurer la performance, la performance correspondant à ce qui se manifeste de la compétence.
De mon point de vue, objectivité et évaluation ne font donc pas bon ménage parce que la première ne garantit pas la seconde, ce qui, soit-dit au passage, souligne le caractère humain des métiers de l’éducation. Mais peu importe, surtout si l’essentiel, contrairement aux pratiques qui normalisent, hiérarchisent et stigmatisent en premier lieu les élèves qui rencontrent des difficultés, est qu’à travers l’évaluation, l’apprenant et son enseignant (ou son éducateur) puissent disposer d’informations sur ce qui est en train d’être appris, afin, si besoin d’en parfaire le cheminement.
Sylvain Connac
On tendra vers cette objectivité en annonçant clairement l’objet de l’évaluation et les critères retenus.
Michel Derache
Dans une évaluation où les réponses sont construites, l’enseignant prend toutes les précautions nécessaires pour que son jugement soit éclairé et fonctionnel. Pour y arriver, il doit s’appuyer sur une information de qualité, pertinente et suffisante, et disposer d’une instrumentation appropriée. La liste de vérification, la grille d’évaluation et l’échelle descriptive sont des outils utiles pour porter un jugement (Legendre, 2001). Beckers (2002) ajoute que les descripteurs et les niveaux d’exigence sont importants pour améliorer l’objectivité des notes et assurer la qualité de la rétroaction aux élèves.
Le jugement est un acte professionnel qui relève de la responsabilité de l’évaluateur et qui, en conséquence, ne peut ni revêtir un caractère de totale objectivité ni être réduit à un algorithme (Wiggins, 1993b). L’enseignant juge si l’élève a suffisamment développé ses compétences ou acquis des connaissances en vue de prendre des décisions et d’agir.
Quelle que soit l’approche privilégiée, le jugement de l’enseignant, pour être considéré comme professionnel, doit être argumenté et documenté. Quatre caractéristiques, décrites dans la littérature favorisent davantage l’objectivité sachant que tout jugement est par nature subjectif.
Pour être professionnel, un jugement doit être :
- instrumenté,
- évolutif,
- fondé sur l’autonomie et la responsabilité et
- éthique et conforme à un ensemble de valeurs.
Micheline-Joanne Durand
Sylvie Fontaine
Sylvain Grandserre
Olivier Maulini
Cela me fait penser à une phrase rencontrée lors d’une lecture « Tu deviens ce que je pense de toi ! ».
Martine Meurant
Marie-Thérèse Zerbato-Poudou